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3 avril 2016 7 03 /04 /avril /2016 07:22
Amdoun n’Seddouk: la population de la région s’apprête à célébrer l’insurrection d’avril 1871; Terre d’Histoire, de savoir et de légende.

Le printemps s’annonce beau, cette année, dans le douar d’Amdoun n’Seddouk avec les dernières pluies et neiges suivies d’un soleil doux et radieux qui font pousser l’herbe .

Ça vaut bien le coup d’aller visiter les quatre villages composant le douar appelé autrefois et à présent, le douar des héros, des érudits et des martyrs, allusion faite à Mohand Améziane Belhaddad, un brillant intellectuel en sciences théologiques, hors du commun à son époque. Il était aussi l’artisan de l’insurrection d’avril 1871. Ces quatre villages étaient, à l’indépendance, éparses. Ils sont aujourd’hui collés l’un à l’autre avec de nouvelles habitations. Ils forment une grande agglomération d’environ 8.000 habitants. Cette région de cocagne est pétrie d’art et d’histoire dont les populations unies s’apprêtent à commémorer le 145e anniversaire de l’insurrection d’avril 1871, dont ce douar est le porte drapeau. Cette terre porte encore les stigmates d’une guerre, où tous les coins et recoins de ce douar portent encore des traces de sang. Relevant du douar n’Ath Aïdel, Amdoun n’Seddouk a inscrit en lettres de feu et de sang son nom dans l’histoire de l’Algérie combattante contre l’oppresseur colonial pour le recouvrement de son indépendance. C’était dans cette région que le maréchal Randon, bourreau de Lala Fatma n’Soumer, continuant dans sa besogne d’implantation des colons par l’expropriation des terres agricoles des paysans algériens, a trouvé une farouche résistance un certain avril 1871, menée par les masses paysannes et conduite par cheikh Mohand Améziane Belhaddad, secondé par ses fils Aziz et M’hand aux côtés des Mokrani d’Ath Abbas. En se rendant dans cette région d’histoire, de légende et de villégiature, on découvre aisément et avec enchantement ce que la nature a façonné comme environnement sauvage de toute beauté, paradis tant de l’escapade que de l’escalade. Les vestiges historiques anciens, à l’image de Takhlouith et de l’ancien village englouti montrent, si besoin est, la grandeur de ce douar. Nous avons entamé notre visite par la ferme Templier, située à la limite Sud du territoire de la commune de Seddouk. De cette vaste plaine nourricière où se pratiquaient autrefois les cultures maraichères, les oliveraies et les céréales, aujourd’hui, c’est la désolation qu’elle offre du fait que ces plaines sont amenuisées par le passage de la pénétrante et envahies par le béton, ce qui en reste est mal entretenu pour ne pas dire qu’il est carrément abandonné. Nous empruntons le CW141 qui serpente au milieu de cette plaine emblavée de céréales et arrivé au village Mohli, il forme deux droites parallèles avec la rivière Thassaft qui déroule ses méandres sur environ 6 Kms entre la colline longitudinale du Sahel et une chaîne de montagne colonisée par des pinèdes que séparent parfois de petites rivières ou des parcelles de terres agricoles utiles. C’est au niveau des trois chemins de Taghzouith, endroit appelé autrefois Souk El-Abtal (Marché des héros), que cheikh Aheddad a lancé son appel devant ses fidèles, les exhortant à sensibiliser les populations à se soulever contre l’occupant français. Un panneau de signalisation indique une bifurcation à droite pour se rendre à Amdoune n’Seddouk, fief des cheikhs Belhaddad et lieu de notre destination. Nous prenons donc la RN74 qui marque de plus en plus de l’ascension et qui traverse des régiments d’oliviers, que bordent tantôt de grands oliviers qui permettent à certaines familles routières de marquer des haltes et se mettre sous leurs périmètres ombrageux le temps d’un piquenique improvisé sur l’herbe en plein air pendant que le moteur se refroidit pour affronter le restant de la route, et tantôt par des figuiers fétiches. C’est au col de Tighilt Elmiz qu’apparaît la montagne d’Achtoug, à quelques 1200 m d’altitude et qui surplombe les quatre villages. Son flanc tourné naturellement vers le Djurdjura apparait comme un tableau de maître, dessiné par des mains talentueuses. Il caresse le regard, dépayse la vue et impressionne l’esprit de par les subtilités qu’elle renferme. Le sommet, composé de mamelons anguleux et agressifs que déchire un canyon, coiffe une suite de quatre villages proprets et ardents ou se côtoient des maisons séculaires anciennes qui ressemblent à des gîtes ruraux de campagne d’un genre unique et des habitations pavillonnaires nouvellement construites avec de nouvelles architectures.

De Saddok, roi berbère, à… Seddouk

L’ancien village se trouve à Ighoudhane, il n’en reste de lui que des traces. Selon un chercheur ayant examiné les friables déterrés, il est millénaire. Il est appelé Seddouk tiré de Saddok, un nom que portait un roi berbère qui régnait dans la région et que la population aurait vénéré en l’adulant et en lui reconnaissant une autorité après qu’il eut montré de grandes qualités humaines tendant vers l’ensemencement de la foi et de la solidarité entre les villageois. Il a bâti sa forteresse à El-Bordj, près d’une rivière où convergent deux sources d’eau potable. Les propriétaires terriens actuels lors de la réalisation des fouilles pour la construction de nouvelles habitations ont déterré des objets ostentatoires, tels que des pièces de monnaie, des produits en céramique, des ustensiles de cuisine, des armes de guerre, du matériel pour les travaux des champs et artisanaux et des matériaux de construction anciens, prouvant l’existence d’une importante agglomération détruite soit par la guerre, soit par les forces de la nature ou simplement par les effets du temps, un mystère qui reste à élucider. Un spécialiste en archéologie, invité aux festivités marquant le centenaire de la première école primaire de la région, après examen des objets exposés au public, a affirmé qu’ils dataient de l’ère byzantine. La destruction de cette importante agglomération a donné naissance à quatre villages de renaissance où vivent en harmonie des populations qui sont liées par une solidarité exemplaire, souvent à l’origine des consensus qui se dégagent pour toutes les décisions notables qui concernent les quatre communautés, bien que chaque village garde son autonomie pour les règlements internes. Seddouk Ouadda a été reconstruit sur les friables de cette forteresse détruite, au milieu d’un vaste plateau où sont pratiquées les cultures céréalières et maraîchères. Il possède la majorité des terres agricoles de la région et les turcs, à leur arrivée, ont fait de lui une grande administration. C’est un village ou vivent plusieurs communautés : les juifs d’Algérie, les marabouts et les kabyles. Il compte plus de soixante chahid, dont 1/3 sont partis à la fleur de l’âge avec le statut de célibataire. La plupart sont instruits, tels que Bounzou Zoubir qui a abandonné le lycée pour le maquis et Madadi Abderrahmane, aspirant politique en Oranie où il a été tué les armes à la main dans un accrochage avec l’ennemi en 1957. Seddouk Oufella, un village collé au flanc de la montagne d’Achtoug, a été l’hôte de la famille Belhaddad qui s’y était installée. Le descendant Mohand Améziane avait fondé sur le lieu Takhlouit, une école coranique où il enseignait le Coran. Cheikh Mohand Améziane, affilié à la puissante tarika rahmania dont il était guide, a pris comme épouse Beddar Fatima du village Seddouk Ouadda. Humaniste et érudit avant d’être un guerrier, il enseignait le Coran à des étudiants en théologies venant des quatre coins du pays. Jusqu’à présent, ce village recevait de toute la Kabylie et de l’Algérois, des fidèles (khouanes) qui venaient par centaines se recueillir sur la tombe du cheikh et demander sa bénédiction.

Terre de révolutionnaires

Seddouk Oufella a enfanté aussi le martyr Benrabia Malek, héros de la bataille d’Alger, compagnon d’Ali la pointe tué dans un accrochage à El-Biar, à Alger, au déclenchement de la guerre. Mouhoubi Mélaaz, femme héroïne de la guerre d’Algérie du rang de Djamila Bouhired et Hassiba ben Bouali, connue pour sa bravoure en défiant les soldats français qui l’ont assassiné lâchement. Ighil n’Djiber est le plus petit village perché sur la cime d’une colline telle une citadelle. Il est connu grâce à un caïd qui a élu domicile durant la colonisation. Ighil n’Djiber a donné, lui aussi, le chahid Cherdoud Mouloud qui a sauvé ses quatre compagnons avec qui il s’est fait arrêter durant la guerre en témoignant que ses camarades n’y étaient pour rien et que c’est lui qui faisait tout. Après de moult sévices, il a rendu l’âme sous les effets de la torture. Son cousin Ali était garde du corps de Krim Belkacem, il a accompagné la délégation ayant négocié à Évian en tant que membre de sécurité. Après l’indépendance, il a refusé de mettre les pieds en France pour une question de principe. Tibouamouchine est connu pour l’artisanat que sa population a développé pendant des siècles. C’est là qu’on fabriquait le balai traditionnel (thimeslah) qui a pénétré toutes les régions du pays. Actuellement, c’est le village le plus important qui a pris une ascension fulgurante dans le domaine de l’habitat. Il a enfanté Rachid Adjaoud, moudjahid et secrétaire d’Amirouche durant la guerre. Il a tapé à la machine le texte du congrès de la Soummam. Après l’indépendance, il était cadre de la nation et écrivain, auteur de l’ouvrage «Le dernier témoin», où il a raconté dans une autobiographie sa vie de jeunesse et son parcours dans les maquis. Amouche Mohand était un moudjahid authentique et grand chanteur de l’émigration au cœur généreux. Said Oumedour aussi fait parti de ces célébrités du village. Militant infatigable de la cause berbère, il a été emprisonné en 1975 pour son activisme au sein du MCB. Il était aussi grand footballeur ayant fait les beaux jours du RC Seddouk. Il a fondé la chorale de Cheikh Belhadad qui a décroché, la semaine passée, le premier prix du festival national du chant patriotique qui s’est déroulé à la ville de Béjaïa. Il était aussi le premier maire de Seddouk avec l’événement du multipartisme. Cette région de cocagne n’a nullement besoin de publicité pour se faire connaître. Traversée par la RN74 comme une arête d’une feuille sur environ un kilomètre, elle exhibe aux milliers de routiers qui la traversent journellement, à droite comme à gauche, des ruelles proprettes, des maisons anciennes gardant encore leur charme d’antan, des maisons pavillonnaires nouvellement construites assorties de jardins fleuris et entourés de murets, des commerces, des huileries, etc. Il constitue la vraie vitrine de la commune de Seddouk. Elle est connue aussi grâce au combat des Belhaddad et de ses centaines de chouhada qui s’étaient sacrifiés pour que le peuple Algérien vive libre et indépendant.

L. Beddar

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